🇨🇷 Qu'est ce que j'ai appris sur le tourisme durable au Costa Rica ?
- Melissa Laroche
- 3 janv. 2019
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 janv. 2019
🇬🇧 This article also exists in English, here. Après 1 mois d’exploration au Costa Rica et sur son écosystème touristique, j’ai le plaisir de vous livrer mes quelques trouvailles.
Afin de répondre aux différentes questions que je me posais, je prévois plusieurs articles. Certains orientés purement Costa Rica et d’autres axés plutôt sur le Tourisme Durable en général.
L'article qui revient sur les raisons de mon voyage au Costa Rica est ici.
« Tu verras, le Costa Rica, c'est l'endroit parfait pour l'écotourisme ! »
Costa Rica, le "paradis vert" en quelque sorte, champion de la durabilité et de l'écotourisme. C'est comme cela qu'on me l'a vendu et c'est d'ailleurs comme ça que l'État en fait la promotion.
C'est ainsi que je me mis en marche pour le Costa-Rica, paradis du développement durable et donc, par extension, du tourisme responsable, n'est-ce pas ? Comme expliqué plus tôt, le Costa Rica dédie 26% de ses terres à des reserves et parcs naturels (publics et privés confondus) dans lesquels se trouve 4% de la biodiversité mondiale¹; 98% de l'énergie produite est verte et ,en plus de ne pas avoir d'armée le pays a un slogan national plutôt hédoniste : "Pura Vida".
Quand on tape "Costa Rica" dans google images, c'est une succession de plages blanches ou noires paradisiaques, de volcans, de jungles regorgeant de somptueuses créatures et d'endroits parfaitement adaptés aux amateurs d'adrénaline ou de sports comme le surf. De ce fait, il semblerait que le Costa Rica soit l'endroit rêvé pour beaucoup de touristes différents
Et tout cela n'est pas qu'un mythe, le pays possède vraiment beaucoup d'espaces protégés habités par de nombre impressionnant d'animaux dans leur habitat naturel. Autour et au sein de ces espaces, s'est développé un certain type de tourisme axé sur l'observation et le respect de ces ressources (j'ai observé pas mal d'hôtels et d'auberges qui triaient et recyclaient religieusement les déchets et incitaient à réduire sa consommation d'eau.
Toutefois, pour répondre à l'allégation qui place le Costa Rica comme destination phare de l'écotourisme :
Voyager au Costa Rica ne fera pas de nous des touristes responsables ou durables. Et ce, ni même dans le cas d'un voyage avec une voiture électrique en se logeant uniquement dans des eco-lodge.
Essayons de comprendre pourquoi avec les 3 piliers du tourisme responsable :
L'environnement : Le tourisme responsable n'est pas néfaste pour l'environnement et tente même parfois de le protéger et de le conserver
L'inclusion des communautés locales : Le tourisme responsable s'appuie sur les communautés locales tout en les autonomisant.
Vecteur de développement économique à l'échelle locale : Le tourisme responsable contribue à l'économie locale et ne renforce pas d'inégalités.
Voyons maintenant comment le tourisme se développe au Costa Rica.
🚍 Les transports : La difficulté de planifier ses trajets et un "taux de naissance" de voitures plus élevé que celui des bébés
C'est lorsque j'ai essayé d'organiser un peu mon itinéraire depuis la France que j'ai compris que cela serait vraiment compliqué. Évidemment, il ne s'agissait pas là de tout réserver à l'avance, mais de tracer un itinéraire avec quelques points de chutes afin de pouvoir mener cette recherche à bien. En tant que touriste, au Costa Rica, les possibilités de déplacement qui s'offrent à vous (autres que vos pieds ou un vélo) sont de louer un 4x4, utiliser les services de shuttles touristiques, ou utiliser les transports publics. Il n'y a pas de ligne de train régionale.
N'envisageant pas de louer une voiture pour moi seule, voulant me mélanger un peu à la population locale, et n'entreprenant pas de faire le voyage à pattes, j'ai choisi la dernière option.
En revanche, il est très difficile de savoir comment se déplacer à l'avance, les horaires n'étant disponibles que dans les gares ou commerces du dit village. Aussi, la plupart des lignes de bus appartiennent à des compagnies privées qui ne se relayent pas forcément très bien. Ainsi, il sera plutôt fréquent de faire plusieurs détours par San José pendant son voyage.
J'imagine que c'est pour ces raisons (et aussi peut-être par l'importante influence Américaine exercée sur le pays) , que l'on retrouve énormément de gros 4x4 et de SUV au Costa Rica. Beaucoup d'entre eux sont utilisés par les compagnies de location de voiture car ils sont utiles au moment de traverser de nombreuses rivières. Dans un pays qui prône l'écotourisme et les énergies vertes, c'est un peu dommage qu'il y ait chaque année, plus de nouvelles voitures que de nouveaux nés... Sur le classement des pays d'Amérique Centrale ayant le plus de voitures, le Costa Rica remporte la médaille d'argent.
🏠 Éco-lodges : Comment payer 600$ la nuit peut contribuer (ou pas) aux communautés locales et à l'environnement
On trouve au Costa Rica de remarquables et somptueux éco-lodges qui satisfont tous les critères de durabilité et de respect de l'environnement. Lapa Rios en est un excellent exemple, que l'on peut retrouver plébiscité par le National Geographic. Dans ces endroits, tout y est extrêmement bien réfléchi pour avoir le minimum d'impact négatif sur l'environnement et les communautés locales. Que ce soit l'eau, les déchets, le matériel de construction, la provenance des fournitures ou de l'alimentation, l'énergie produite et consommée, la main d'oeuvre qui est locale : on n'y trouve souvent rien à redire.
Ces projets, ont sans aucun doute le poids et l'envergure qui leur permet de contribuer à des projets pour les communautés locales ou pour l'environnement et certains le font très bien. En revanche, quelques aspects ternissent le tableau à mon sens:
Ces hôtels ne sont accessibles qu'à une toute petite minorité de personnes (Lapa Rios par exemple, est à 600$ la nuit et c'est loin d'être le seul). Seuls les 1% les plus riches seront donc susceptibles d'observer et d'apprécier ces initiatives durables.
Cette minorité, en plus d'être la seule à profiter de ce genre d'endroit, le fera bien souvent dans un confort qui va au-delà de ce que le pays peut parfois offrir à ses habitants.
Dans ces hôtels ou resorts, où les touristes peuvent rester toute une semaine all-inclusive en lune de miel ou en famille, le seul contact avec les locaux est un rapport de servitude envers le touriste. Cela n'aide pas à comprendre la culture locale, ni à émanciper les communautés environnantes. Dans les principes du tourisme durable, on retrouve également la notion d'échange équilibré entre le touriste et les locaux.
Ces endroits sont souvent très éloignés de tout centre ville ou endroit accessible par bus. Ce qui n'est pas plus mal, car ça permet de désengorger les centres touristiques. Mais d'un autre côté, cela les rend difficilement accessibles sans voiture. Pour avoir le droit de les visiter et comprendre en quels points ils contribuent aux communautés locales, il aurait fallu y loger et donc réviser mon budget...
Le but, ce n'est pas de dénigrer les éco-lodges qui, comme je disais, ont très sûrement un impact positif sur les communautés locales et sur l'environnement. Ce que je questionne plutôt, c'est l'aspect durable de ce développement et l'anticipation nécessaire lorsque l'on veut créer une telle infrastructure.
💡Afin de déterminer si tel éco-lodge est oui ou non réellement positif :
👉 Il faut déjà s'interroger s'il s'agit d'actions pour réparer de mauvaises conséquences sur l'environnement que peuvent avoir d'autres activités ou filiales; s'il s'agit d'actions marketing, ou s'il s'agit réellement d'actions positives.
👉 Il faut aussi observer le réel effet produit sur les communautés locales (ou se fier à des labels). Souvent, le tourisme apparaît comme une excellente échappatoire pour les locaux qui pratiquaient jusqu'alors l'agro-pastoralisme ou la pêche, moins rentable et plus pénible que le tourisme.
Des activités traditionnelles peuvent disparaître et laisser place à des contrats fragiles et précaires, où les employés sont à la merci de leur nouvel employeur, touchant parfois des beaucoup plus petits salaires que les employés étrangers,...
L'introduction de ces nouveaux emplois peut aussi tout à fait perturber l'équilibre économique d'une communauté. Essayer d'observer ainsi, de quelle manière sont traités les employés, où ils vivent, et si le droit du travailleur est respecté (parfois, faute de pouvoir observer, des labels le font à notre place 😉).
📖🗺️ Comment définir son itinéraire sans tomber dans le panneau des "10 choses immanquables au Costa Rica".
Vous voyez de quoi je veux parler ? Ces 20 premières pages, toutes belles et brillantes en début de n'importe quel guide de voyage qui exposent les activités et endroits immanquables de la destination. Ornées de magnifiques photos (que vous ne prendrez jamais vous-même, soit dit en passant), elles vous donnent tout de suite le sentiment de ne pouvoir rater ces endroits sous aucun prétexte.
Ces pages viennent souvent accompagnées de suggestions d'itinéraires que vous pourrez réaliser en 10 ou 15 jours afin de tirer le maximum de profit de la destination en question et voir tous les petits animaux et magnifiques paysages que vous venez de feuilleter.
Dans le cas du Costa Rica, le guide proposait un itinéraire de 10 jours pour voir 6 à 7 destinations qui ravissent les amateurs de farniente à la plage, surfs, observation des animaux, randonnées et activités d'aventures à travers la jungle. Sur le papier, ça a l'air parfait : beaucoup de touristes n'ont que 10 jours pour s'échapper et veulent rentabiliser leur temps au maximum ainsi que ravir toute la famille en leur proposant des activités variées. Sauf que ces 6 ou 7 destinations, correspondent souvent aux plus touristiques, plus fréquentées et souvent moins "authentiques" (j'en conviens, le mot est galvaudé).
Au Costa Rica, 5 de ces 7 destinations reçoivent des avertissements car elles filent un mauvais coton en terme de développement urbain et de durabilité (CANAECO - Chambre nationale de l'Ecotourisme, et le département développement durable de l'ICT - Institut Costa Ricain du Tourisme m'ont informée que ces destinations pouvaient parfois croître sans plan de développement, sans contrôle et donc parfois de façon un petit peu anarchique).
Les exemples les plus flagrants sont ceux de Jacó ou de Manuel Antonio. Le premier a vu les casinos, resorts all-inclusive, complexes hôteliers qui ne s'intègrent pas du tout dans le paysage défigurer la côte. Le deuxième est le 2ème parc national le plus visité du pays et la croissance d'infrastructures receveuses de touristes tout autour ont sectionné le couloir biologique qui permettait aux animaux du parc de communiquer avec d'autres parcs et régions du pays (ce qui a créé quelques problèmes de consanguinités et de comportements chez les chimpazés, par exemple).
(À gauche, Jacó beach et à droite, la ville de Manuel Antonio située à côté du parc, une vraie à usine à touristes).
Mais alors comment faire pour planifier son voyage ? 🤷♂️
Il n'y a pas vraiment de secret, si ce n'est d'essayer d'aller au-delà des premières pages de votre guide ou des blogs/instagram qui vous recommandent les "10 highlights" d'une destination. Il faut se documenter un peu sur le pays que l'on veut visiter avant de s'y rendre, afin de pouvoir limiter son impact négatif en allant dans des endroits qui sont sur-chargés ou qui porteront préjudice à une population qui voit son village changer au rythme de l'arrivée des touristes et avec eux des "liquor stores", "gift shops", "party bars" etc. Aussi, se renseigner auprès de quelqu'un qui connaît le pays, qui y a déjà voyagé, ou un local sur place est idéal pour avoir de bonnes recommandations.
C'est ainsi que j'ai atterri à la péninsule d'Osa et à la Reserva Biologica Dúrika, mes deux meilleurs souvenirs du pays.
Vous vous demandez alors peut-être ce qui fera de vous un touriste plus responsable ?
Enfin, si vous en êtes à ce stade de la lecture, je pense que c'est ce qui vous intéresse après tout.
Au Costa Rica, si "voyager durable" n'était pas une évidence, c'était sans doute plus facile qu'ailleurs. Comme je le mentionnais au tout début de l'article, nombreuse sont les infrastructures se souciant de l'environnement en économisant l'eau, triant les déchets et en sensibilisant les touristes à faire de même. En revanche, cela ne suffit souvent pas vraiment. ✨🌍Voici une liste d'outils et d'idées qui vous permettront d'avoir un impact positif 🌍✨
En général, il faudrait déjà voyager moins souvent et plus longtemps. Aussi, si cela est possible, essayer de voyager hors-saison pour contre-balancer avec les périodes de hautes saison qui surchargent certaines zones.
Si vous finissez tout de même par prendre l'avion, vous avez la possibilité de compenser vos émissions de CO2 en donnant à des projets et associations. Ils calculent votre empreinte carbone selon vos vols et escales et vous avez la possibilité de faire un don par la suite. GoodPlanet Foundation ou ClimateCare.org appuient des petites associations ou projets à travers le monde, de développement territorial, de reforestation, d'entrepreneuriat social, etc. Reforest’Action quant à eux, replantent des forêts à travers le monde, un moyen direct d'agir contre la déforestation.
Comme je disais plutôt, essayer de se pencher sur le contexte "socio-économico-environnemento-culturel" du pays avant d'y aller afin de pouvoir choisir des logements ou moyens de transports qui ne fragilisent pas l'écosystème ou l'économie du pays. Par exemple : Cuba et sa majorité d'hôtels appartenant aux militaires. Aussi, essayer de s'éloigner du circuit très touristique pour avoir la chance de rencontrer les autochtones et des villages qui ne sont pas devenus des usines à touristes.
Si vous n'avez pas le temps ou l'énergie de planifier votre voyage, certaines agences spécialisées dans le tourisme durable ou solidaire pourront vous aider : 🇫🇷En France, je pense à : 👉Double-Sens qui organise des voyages solidaires et engagés pour découvrir une zone hors des sentiers battus tout en aidant une communauté dans son développement. 👉Terres d'Aventures qui organise des voyages de randonnées et treks à travers le monde dans le respect des communautés locales et de l'environnement. Également, leurs voyages sont neutres en carbone. 👉Human trip qui met l'humain au coeur de leur démarche en travaillant de petites structures locales, en établissant des prix justes et en organisant des voyages humanitaires. 👉Evaneos qui organise des voyages en direct avec les réceptifs locaux afin de soutenir les communautés locales. Et il y en sûrement beaucoup d'autres ;-)
🇨🇷Au Costa Rica quelques agences régionales et nationales que j'ai rencontrées peuvent vous aider à voyager à travers le pays tout en respectant les communautés locales : 👉ATEC 👉Fundacion Durika 👉Turismo Autentico (En espagnol)
Quelques outils peuvent vous permettre de "planifier responsable" tout au long du chemin : 📱FairTrip : un moteur de recherche d'expériences, de restaurants et d'hébergements hors des sentiers battus. Les initiatives recensées sur FairTrip soutiennent exclusivement l'économie locale. L'application est télécharge sur apple et android. 📚Guides de voyages durables : Via Tao informe le voyageur sur le contexte du pays avant toute chose et donne des conseils pour voyager tout en ayant le minimum d'impact négatif. Aussi, plutôt qu'une liste exhaustive des endroits où aller, ils mettent en lumières quelques projets, ONG, restaurants, hébergements qui les ont marqués tout en incitant à partir à la recherche de ce genre d'endroits sur place. Pour le Costa Rica, j'avais trouvé un très chouette livre de la collection "Les clés pour mieux voyager" mais ils n'ont pour l'instant que très peu d'éditions. Ces guides sont en tout cas la garantie de voyager en ayant un impact positif et hors des sentiers battus. 💻Des sites tels qu'EchoWay ou d'autres blogs de voyageurs engagés comme GreenPick ou Babel Voyage sont de vraies ressources.
Toujours avoir en tête de privilégier des initiatives et infrastructures locales, notamment lors de la recherche d'un hébergement, d'un restaurant ou d'une agence sur place. Cela s'applique également à l'achat de souvenirs, auquel on pense moins : dans les grands marchés et beaucoup de magasins qui se répliquent dans plusieurs villes, on trouve les mêmes objets fabriqués en Asie, parfois assez loin de l'endroit en question. Souvent, cela vaut vraiment le coup d'essayer de trouver une coopérative ou des artisans locaux pour ramener des choses de qualité, fabriqués localement et dont le prix rémunère bien mieux l'artisan en question.
Je vais publier prochainement un article sur mon voyage au Costa Rica à proprement parler. En attendant, si vous y voyagez bientôt, vous pourrez retrouver quelques infos ainsi qu'un aperçu des endroits où je suis allée via ma page instagram.
SOURCES ¹ Données sur la biodiversité au Costa Rica (BioFin) : https://www.biodiversityfinance.net/costa-rica Thèse sur la biodiversité et la conservation au Costa Rica (Page 2) : https://www.researchgate.net/publication/236592513_Biodiversity_conservation_and_hotspot_atlas_of_Costa_Rica
📚Livres que j'ai lu pour préparer mon voyage
Jean-Pierre Lamic - Tourisme Durable : Utopie ou Réalité ? Comment identifier les voyageurs et voyagistes éco-responsables ?
Sylvain Lefebvre et Sylvain Mahuzier - Les clés pour bien voyager "Costa Rica"
Costa Rica, le plaisir de mieux voyager - Éditions Guides Ulysse 🙏Un grand merci
👉Rachel & Alonso qui m'ont accueillie à San José, un grand merci à leur hospitalité.
👉À Svenja & Marco, fidèles compagnons d'un petit bout de voyage.
👉À Olga & Marianne de l'ambassade française au Costa Rica qui m'ont donnée de précieux conseils et informations afin d'aiguiller ma recherche.
👉À l'ICT (Institut Costa ricain du Tourisme) , à CANAECO, ATEC, AdiCorcovado, La Tarde et Durika d'avoir répondu à mes demandes d'entretiens et de m'avoir éclairée sur le tourisme et notamment le tourisme durable au Costa Rica. 🕐Prochainement, d'autres articles sur :
Comment être un touriste responsable
Le paradoxe du tourisme durable
Mon guide de voyage responsable au Costa Rica et comment planifier ses propres voyages
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